1–5 joueurs, 13 ans et +, 60–90 Min
Complexité: 2.86 / 5
Auteur: Martin Wallace
Illustrateurs: Javier González Cava, Ossi Hiekkala
Editeurs: Alley Cat Games, Maldito Games, PHALANX
49,90 € en anglais chez Philibert
Cornouailles, début 19ème siècle. Rien qu’avec ça on sent que l’on est chez Lord Wallace (plus exactement dans la région d’origine de son épouse).
Une révolution industrielle comme thème principal, cela ne change pas mais pourtant, ici M Wallace mélange habilement jeu d’enchère (et donc de bluff pendant cette phase), placement et optimisation d’actions, le tout extrêmement bien thématisé et ficelé, on en redemande !
M Wallace nous invite donc dans cette période faste pour la Cornouailles qui verra l’arrivée de pompes à eau plus efficaces, qui seront à l’origine de la machine à vapeur.
Par rapport à la précédente édition, Tinners Trail 2021 a été pas mal remanié avec 3 modules intégrés : les extensions Arsenic et Emigration, et le jeu solo contre M Wallace himself.
Nous avons joué uniquement avec le jeu de base, je ne parlerai donc pas des extensions Arsenic (nouvelle ressource) et d’émigration (chaque joueur possède des ouvriers propres qu’il va pouvoir envoyer par delà la Cornouailles…)
Ce qui change dans le gameplay (cf. éléments de la campagne kickstarter):
- on peut jouer jusqu’à 5 joueurs
- la mise en place des tuiles terrains se fait avec des cartes/ maps pré-faites, et non avec des dés, pour réduire les aléas de placement
- les cartes actions peuvent s’utiliser avant les enchères, ou après, procurant alors des bonus différents
N’ayant pas joué à la précédente édition, je ne peux juger ces modifications concrètement. Je ne pense pas que le jeu en soit totalement bouleversé, en tout cas il est visuellement dans le thème.
But du jeu
Assumer votre côté capitaliste sauvage en incarnant le dirigeant d’une société minière prête à tout pour ne pas rater l’occasion de s’enrichir avec ces minerais prometteurs que sont le cuivre et l’étain. Faire au mieux pour profiter de la loi du marché, en grillant vos adversaires au passage et sans trop se soucier non plus de la condition ouvrière, cela vous ralentirait !
Donc, on achète des terrains, on implante des mines pour extraire les minerais, et on vend le tout au prix du marché pour investir, et investir c’est gagner des points de victoire. Mais…
« Que d’eau , que d’eau… » (citation Mac Mahon devant les inondations de la région toulousaine en 1875, plus de détails www.histoire-en-citations.fr)
Le problème, c’est l’eau (comme maintenant mais pas pour les mêmes raisons). Pour miner, il faut se débarrasser de l’eau qui vous gène et engendre un surcout d’exploitation, et donc tenter au mieux de drainer ou l’évacuer pour pouvoir travailler tranquille.
En résumé : on amasse le plus d’argent possible à chaque phase pour le transformer en points de victoires. La piste de score sert à la fois de marqueur d’argent et de PV.
Phases de jeu
La partie se joue en 4 manches, et le tour de jeu n’est pas fixe mais en fonction de la piste de temps, celui ayant le moins dépensé de temps joue toujours en 1er.
Chaque manche se divise de la façon suivante :
- A – fixer le prix des minerais en lançant les dés,
- B – effectuer les actions en dépensant le temps de travail : 10 heures pour chaque manche, les actions coûtant de 1 à 3 heures selon leur type,
- C – vendre les minerais extraits au prix du marché,
- D – investir l’argent ainsi gagné et le transformer en points de victoires selon sa place sur le tableau d’investissement.
- A – Prix des minerais
Il se fixe en fonction des résultats aux dés, avec une adaptation ± 1 valeur de dés lorsque les extrêmes sont atteints : si le cuivre vaut sont maximum à 10, on soustrait 1 au résultat des dés pour le faire baisser plus facilement.
Attention, suivant les parties, le marché peut être très volatil, surtout pour le cuivre qui varie de 2 à 10. Il faut vraiment le prendre en compte dans son jeu car on ne peut pas stocker de ressources d’une manche à l’autre : tout ce qui est extrait est vendu en fin de manche : cela peut faire des heureux, ou vice versa.
- B – Phase d’actions
Elles sont toutes indiquées sur le plateau avec un coût en temps associé : 5 actions différentes sont accessibles à tous :
1 – Construire une mine . Chaque joueur en à 6, pas plus et elle ne peuvent être déplacées une fois posées, c’est le fameux « j’y suis, j’y reste », Mac Mahonnien (www.histoire-en-citations.fr ). Le sel du jeu se trouve ici : cette action induit automatiquement une enchère entre les joueurs, le coût en argent et en temps n’étant dépensé que par le vainqueur. Celui qui initie l’enchère ne sera pas forcément servi ! Il peut gratuitement jouer une carte prospection pour améliorer le terrain, et consulter secrètement la tuile, mais la mine lui sera soufflée s’il perd l’enchère, avec la moitié du prix versé qui lui revient en compensation. Tension assurée, surtout que tous les terrains ne se valent pas, et la déception est parfois grande.
De façon plus prudente, la carte prospection peut être jouée pour améliorer la mine une fois remportée, mais il faut alors payer son coût et l’argent ne coule pas à flot, surtout au départ (20 livres vous sont généreusement allouées en début de partie, mais la maison ne fait pas crédit), flambeurs s’abstenir !
2 – Extraire les minerais :
Une fois la mine obtenue, il faut extraire le cuivre et l’étain, et le coût d’extraction est fixé en fonction de l’eau présente sur le terrain : 2 cubes d’eau = 2 livres par cube de minerai extrait. La capacité d’extraction de base est de 2 cubes par action, améliorée avec les équipements éventuellement ajoutés (mineur, train, port…) Cerise sur le gâteau : quand on extrait, on creuse, donc de l’eau se rajoute : + un cube à chaque fin d’action extraction : élémentaire mon cher shadock !
3 – Vendre des pasties :
Y’a pas de p’tits profits ! Pour une heure de temps gagnez une livre en vendant ces chaussons de pâte brisées farcies de viande et légumes que les mineurs emportaient au fond des galeries, action secondaire donc…
4 – Effectuer un développement :
Il est possible de développer plusieurs améliorations : recruter un mineur pour gagner +1 en capacité d’extraction, construire un port (+1 en extraction et -1 cube eau) : construire une locomotive ( enlève 2 eaux, et un cube eau sur chaque site adjacent) voire un drain entre 2 terrain qui enlève l’eau et ajoute des ressources.
Attention, ces équipements sont limités à ceux accessibles lors de la manche en cours, et ne se renouvellent pas. De même, on ne peut poser qu’un type différent d’amélioration par terrain, et une fois l’extraction finie, les améliorations ne se déplacent pas.
Les pompes à vapeurs au contraire reviennent en jeu une fois la manche terminée et sont de nouveaux accessibles au tour suivant, toujours dans la limite de la manche en cours . Ainsi à la dernière manche , toutes les pompes sont disponibles. Elles enlèvent un cube eau par pompe à l’endroit de votre choix.
5 – Passer :
Vous n’êtes pas obligés d’effectuer toutes vos 10 heures d’action, passer en 1er vous empêche de participer aux enchères suivantes, s’il y en a, mais vous assure la 1ère place lors de la manche suivante ainsi que l’accès aux meilleurs ratios de conversion pour les investissements.
- C- vendre son minerais et D investir:
Enfin, quand tous les joueurs ont passé : on vend l’ensemble de ses minerais extraits au prix du marché, puis on convertit le montant d’argent de son choix en investissement=PV. Les conversions des 1ères manches sont très rentables, beaucoup moins en fin de partie. Être le 1er à investir, selon l’ordre de placement sur le tableau donne le meilleur rapport de conversion.
L’argent s’investit par tranche de 10 ou 5 livres : par exemple, le 1er joueur à la 1ere manche peut convertir 10 livres pour 22 points, ou 5 pour 10. Tant que vous ne passez pas, vous pouvez convertir en plusieurs fois (histoire de voir ce que les adversaires gardent sous le coude). Attention toutefois à conserver un peu de cash pour la manche suivante, ses enchères et ses extractions, sinon, la crise vous guette…
On conserve l’ordre d’investissement pour la manche suivante ; les 2 premiers joueurs ayant le droit de consulter secrètement une tuile terrain sur la carte (très pratique pour éviter les investissements comment dire….. foireux).
La prochaine manche commence en débloquant l’accès aux améliorations disponibles à cette manche (mineurs, drains , ports etc.) et en donnant accès aux pompes à vapeurs de cette manche et des précédentes.
S’il s’agit de la dernière manche, tous l’argent récolté est transformé en PV et le plus haut score gagne la partie.
Adaptation 2 joueurs
Outre la mise en place modifiée et plus restreinte à 2, les cartes prospections sont jouées au début de l’enchère et le cout indiqué fixe la mise de départ du joueur actif, ou s’il n’a pas de carte il en pioche une de la réserve. S’il ne peut payer, l’enchère passe à l’autre joueur. Si les 2 abandonnent, le site est retiré du jeu comme s’il était face cachée. Encore plus d’aléatoire, même pour le joueur initiant l’enchère qui risque de ne même pas pouvoir mettre sa mise de départ !
Ce qu’on a unanimement apprécié :
- toutes les actions sont visibles et tout est indiqué sur le plateau central, les actions sont simples et s’enchaînent logiquement, l’iconographie est limpide,
- la partie enchère est appréciable, donne une interaction directe et franche, à vous les dents longues et l’envie d’écraser votre voisin pour un lopin de terre !
- l’incertitude du marché et la rareté des équipements, il n y en aura clairement pas pour tout le monde !
- les cartes prospections : à jouer car ne rapportent rien en fin de partie. Elle permettent de booster des terrains, sans vous en assurer toutefois les bénéfices, sauf à la payer…
- les tours de jeu sont fluides, la partie est rapide, sans temps mort et on s’amuse !
Ce qui nous gène
oui, gêner et pas rebuter car on apprécie vraiment le jeu, et ses imperfections ne sont pas rédhibitoires :
- l’absence de lisibilité de la carte quand tout le monde se développe : quelle pagaille, ne pas jouer avec des adversaires maladroits et nerveux est un plus. Nous n’avons joué qu’à 3 mais je n’ose pas imaginer le joyeux désordre du plateau à 5 joueurs. Les cubes ressources sont bien trop gros pour les zones …
- attention aux mauvais départs, peu rattrapables en cours de partie. De plus, pas d’emprunts ni de crédit, ce qui donne trop peu de temps pour remonter en vendant des pasties ! Mieux vaut le savoir avant de débuter mais cela est tellement bien intégré au jeu que ce n’est pas si grave (et il n’y a pas 3 heures de parties à subir derrière également)
- mode 2 joueurs : pas la pire adaptation 2 joueurs mais franchement , c’est un jeu d’enchères, jouer à 3 ou 4 est vraiment plus intéressant
En bref
Ce jeu est limpide et élégant, les choix bien imbriqués et le tour de jeu facile et pas prise de tête. On effectue des choix cornéliens, on prend des risques plus ou moins mesurés, ce qui peut s ‘avérer judicieux ou fatal, mais c’est la loi du marché
Notre dernière partie a été très marquée par de fortes fluctuations de prix ; le tarif du cuivre au dernier tour à désigné le vainqueur qui s’était fortement enrichi les tours précédents, alors que les adversaires ont vendu du cuivre bien moins cher à la dernière manche. Les parties précédentes étaient plus calmes donc plus prévisibles, mais cette volatilité fait partie du jeu et de son charme. Gros planificateurs détestant cette part de hasard s’abstenir.
El stefano a déjà déclaré sa flamme à M WALLACE, et je ne peux qu’être d’accord avec lui. Ses jeux ne me laissent pas indifférente, toujours élégants, épurés et profonds…
J’apprécie toujours de tester ses productions et même si je ne suis pas toujours convaincue (anno 1800 bof), il y a toujours une touche personnelle en plus qui en font des jeux différents sans foisonnement de règles à l’extrême.
Tinners trail est dans cette veine et même s’il n’est pas parfait, il est agréable à jouer, interactif et peut facilement se sortir avec des joueurs occasionnels qui souhaiteraient se lancer.
Entre 2 parties plus exigeantes de Brass ou après avoir vaincu Chtulu dans Auztralia, nous n’hésiterons pas à ressortir Tinners trail qui complète très bien une soirée Wallace (sans Gromit) !
Poster un Commentaire