Kenjin : que se cache-t-il derrière?

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Superlude vous amène une nouvelle fois en terres nipponnes. En ces temps féodaux, le climat semble vraiment chargé et orageux… ça va fritter !!!!

Kenjin est un jeu de cartes pour 2 à 4 joueurs d’au moins 12 ans pour des parties de 20 min. Superlude vous offre le talent de Biboun pour illustrer le premier jeu de Nicolas Sato. Mais que se passe-t-il donc dans ce Kenjin ?

C’est la guerre, et différents clans vont alors s’affronter. Et devinez quoi ? Vous êtes le décisionnaire de l’un de ces clans et vous allez devoir diriger au mieux vos troupes pour remporter de précieux territoires.

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Le jeu comporte un set de tuiles et 4 decks de cartes. Bon disons le tout de suite, c’est juste splendide !!! La boite, les tuiles, les cartes… pfiou, grosse claque visuelle !!! aaaah ça va mieux !!! Voyons comment cela se joue.

Chacun choisis son clan (représenté par une couleur, un nom et un symbole ; les decks sont identiques/symétriques en terme de composition de cartes), et vous placez des tuiles terrains entre les joueurs. Dans toutes les configurations, un joueur se disputera pour 2 tuiles à 4 points et 2 tuiles à 6, qui lui feront face. A deux joueurs il y a deux tuiles à 4 et deux à 6, à 3 joueurs 3 de chaque, et à 4… oui 4 de chaque… disposez de manière à former des frontières entre chaque joueurs. Les tuiles en plus en plus de conférer des points de victoire, ont des effets spécifiques, mais nous reviendrons plus tard.

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Les joueurs ont 13 cartes en mains. Elles représentent leurs unités fidèles et valeureuses. Chaque carte est différente (à l’exception des paysans présents en 4 exemplaires) et présente plusieurs caractéristiques : une illustration magnifique (quoi je l’ai déjà dit ?!…), un logo rappelant le type d’unité, une valeur numérique (= la puissance d’attaque), un icone indiquant le pouvoir de la carte et un œil ou un point d’interrogation. Un œil correspond à une unité visible, logiquement vous allez la placer en jeu face… visible… :p alors qu’un point d’interrogation correspond à une unité secrète qui va arriver en jeu face… cachée… :p

Chaque carte possède un pouvoir : le samouraï élimine la brute, les paysans alors que l’archer élimine le samouraï, l’éclaireur permet de révéler une carte, alors que l’assassin élimine une carte visible, les paysans n’ont pas de force d’attaque mais octroient un bonus en cas de victoire, le chef est très puissant mais il ne peut être joué en dernier sous peine d’un malus de lâcheté… vous voyez le principe. Les différents pouvoirs sont assez intuitifs, vite appris après quelques parties, clairement explicité dans les règles, il manque juste une aide de jeux pour les premières parties, dommage…

A votre tour de jeux, vous allez jouer deux cartes (face visible ou cachée selon), sur n’importe quels territoires. Et c’est tout. Et ainsi de suite selon le sens horaire. Puis à votre dernier tour, le 7ème, vous ne jouerez qu’une seule carte, car ayant 13 cartes en main, cela semble tout à fait logique.

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Vous allez alors révéler les cartes face cachée et résoudre les combats. Le joueur ayant l’armée la plus puissante remporte la tuile terrain et donc les points associés. Le joueur ayant le plus de points remporte la partie.

Les tuiles terrains ont différents effets qui prennent place à différents moments : contraintes sur le nombre de cartes sur le lieu, bonus ou malus pour les armées ou tel type d’unité… cela ajoute un petit peu de stratégie et de retournement de situation… à prendre en compte du coup 😉

Avec ce mécanisme de pose de carte face visible ou face cachée, Kenjin offre des parties assez courte, avec de la stratégie, du bluff et de la déduction… votre jeu contient plus de cartes qui se jouent face cachée que face visible, mais trois cartes permettent d’obtenir des informations sur les troupes adverses : l’éclaireur, l’assassin et le shugenja. Cela doit rééquilibrer les informations cachées contre celles encore mystérieuses. Les paysans faibles (puissance de 0) et nombreux (4 au total) constituent forcément des leurres : vous allez les jouer en nombre sur un territoire, pour tenter de faire croire que celui-ci est votre priorité, ou allez les placer en premier pour temporiser et voir si l’adversaire se dévoile en premier… Le principe de déduction et de bluff rentre alors en jeu. Vous espérez placer votre archer sur le territoire du samouraï adverse, le but ultime de votre assassin est de trouver le chef adverse, faire l’impasse sur un territoire à 6 points en répartissant vos troupes les plus puissantes sur les territoires à 4 points… et forcément à la fin, lorsque vous révélez toutes les cartes, votre anticipation peut s’avérer exacte et vous jubilez ou vous vous êtes complètement plantés et vous vous faites ratatinés. Les parties sont relativement courtes, ce qui permet de les enchaîner pour remettre votre suprématie en jeu ou au contraire réclamer une revanche.

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Mes articles sont généralement assez positifs, non pas que tous les jeux soient bons, mais parce que je sélectionne les jeux sur lesquels j’ai envie d’écrire et de partager. Et Kenjin avait tout pour me plaire : très attractif visuellement, méca simples et efficaces et un pitch plutôt cool…

Mais je m’attendais à plus tension, à plus de subtilité sur la déduction/bluff et j’y ai trouvé en fait pas mal d’aléas, de situations vraiment imprévisibles… ce qui était alors contradictoires aux attentes que j’en avais…

Je me suis dit que j’étais peut-être nul en déduction, mais avec le nombre de parties faites et les différentes configurations testées, le même constat, pour ma part, revenait : il y a trop de non informations. Ceci est d’autant plus vrai avec des configurations à 3 ou à 4 chacun pour soi. Car même si on se bat toujours que sur 4 territoires (deux contre un adversaire, deux contre un autre), les possibilités d’avoir des informations sur les troupes ennemies grâce à ses fameuses cartes (l’éclaireur, l’assassin et le shugenja) se retrouvent diluées entre deux adversaires, et donc deux armées. Même si les autres joueurs en font de même, l’équilibre (entre informations visibles et cachées permettant bluff et déduction) n’est pas vraiment là. Les configurations à deux joueurs et à 4 par équipes souffrent un peu moins de ce problème.

Faudrait-il retirer deux cartes face cachées par exemple et jouer avec 11 cartes chacun ? Je ne sais pas… et si l’éditeur a jugé cette configuration bonne, c’est que les sensations procurées ainsi doivent être celles souhaités par l’éditeur et donc voici ma conclusion : j’attendais le jeu avec une certaine exigence stratégique/bluff/déduction et le jeu me parait finalement plus accessible. L’écart entre mon désir et la réalité entraine donc une déception, malgré le nombre de parties jouées. Cela se ressent sur certaines de mes questions posées à l’auteur (Interviews de Nicolas Sato et de Biboun dans la suite de l’article).

Si Kenjin vous attire, si sa description vous a plu, testez le et surement qu’il vous siéra mieux qu’à moi… La TT TV est disponible ici

Les + : ses illustrations, sa simplicité d’accès, son prix (16,5 € chez Philibert), le choix des lieux en début de partie, l’équilibre des pouvoirs

Les – : manque d’une aide de jeu, trop de non informations permettant un réel mécanisme de bluff et de déduction, on lui préfère Schotten Totten

 

Interviews croisées de Nicolas Sato (auteur) et de Biboun (illustrateur)

> Comment s’est passé la rencontre avec Antoine de Superlude ? Combien de temps de développement Kenjin a-t-il nécessité ?

Nicolas : J’ai rencontré Antoine il y a un petit peu plus d’un an. Il avait contacté un ami auteur, Matthieu Lanvin, qui venait d’être primé au Concours international de créateurs de jeux de société de Boulogne Billancourt. Matthieu lui a dit « Je viens de signer tous mes jeux, mais si tu veux, je connais un créateur, il fait des petits jeux sympa, tu devrais regarder. » Et de là, on a commencé à échanger des mails et Kenjin a très vite attiré son attention. Je ne sais plus très bien, je dirais 6 mois sur les règles et 3 – 4 mois sur le packaging.

> Le thème, a-t-il toujours été le japon féodal ? Un thème qui t’est cher ?

Nicolas : Oui. Le premier prototype s’appelait « Kassen » qui signifie « guerre de territoire » en vieux japonais. C’est une époque qui m’a toujours fasciné et qui est venu naturellement à la création du premier prototype. Le fait que ma femme soit japonaise a du contribuer au choix de ce thème. Avec Antoine, on a imaginé plusieurs thèmes différents par la suite, mais à chaque fois on revenait sur celui du japon féodal.

> J’ai cru lire que le jeu était à la base un jeu à deux ? Comment est venue l’idée de le passer à 3 et 4 joueurs ? Et le mode de jeu en équipe ?

Nicolas : Le jeu était à la base exclusivement à 2 joueurs, et quand on a commencé à le développer, on a essayé de le passer à 3 et 4 joueurs afin d’élargir de public. On s’était donné plusieurs mois pour trouver une solution intéressante qui ne changeait pas les sensations du jeu et, dans le cas où l’on n’y arriverait pas, le jeu sortirait à 2 joueurs. Je suis vraiment content du résultat car le mode 3 et 4 joueurs apporte un vrai plus au jeu. Lors d’une partie à 4 joueurs, les interactions entre les joueurs opposés sont limitées. En jouant en équipe on compense ce point et l’on évite de donner la victoire au joueur qui aura été le moins attaqué durant la partie.

> Comment as-tu travaillé sur l’équilibre du jeu ? Le nombre de cartes ? Pourquoi 13 ? Les proportions d’unités secrètes ? Les différents pouvoirs ?

Nicolas : Beaucoup de parties, de discussions et d’analyse des retours de testeurs !!! Dans le premier prototype que j’avais présenté à Antoine, chaque joueur commençait la partie avec 19 cartes. On a supprimé les différents exemplaires, combiné des cartes pour n’en former plus qu’une, afin de rendre le jeu plus dynamique et plus accessible sur une première partie. A son tour, chaque joueur pose 2 cartes. Il était important d’en avoir un nombre impair pour finir la partie en ne posant qu’une seul carte. Cela permet de minimiser l’impact du dernier joueur.

> Proportionnellement, il y a plus de cartes face cachées (unités secrètes), cela peut être assez perturbant dans les premières parties, où l’on ne sait pas grand-chose. L’intérêt du jeu réside-t-il dans l’apprentissage des combos possibles, les anticiper, et au contraire en prendre le contre-pied ? Le jeu nécessite donc quelques parties pour vraiment le maîtriser et en faire ressortir son plaisir ludique ?

Nicolas : Oui il y a des combos dans le jeu mais ce n’est pas ce qui va permettre de gagner une partie. C’est surtout sur l’analyse de son adversaire. Pour moi ce qui fait vraiment ressortir tout l’intérêt du jeu, c’est de faire plusieurs parties contre les même adversaires, car on a tous les antécédents des parties précédentes. « La partie d’avant il m’a fait tel coup, cette fois ci je ne me ferai pas avoir, mais c’est peut-être du bluff. » Et là, ça devient très intéressant. Et après on change d’adversaire et on doit à nouveau analyser ses actions, ce qui fait que l’on n’a jamais les même parties.

> Tu signes avec Kenjin ton premier jeu. Quel est ton ressenti sur le produit final ? Une forte pression pour la sortie ?

Nicolas : Ravi. Superlude, Biboun et toute l’équipe d’Origame ont fait un travail magnifique et je ne pouvais pas imaginer mieux. Je suis quelqu’un qui se met la pression tous seul, donc oui mais hâte d’y être 😉

> Cela correspond-il à ton style créatif ou au contraire tes futurs projets seront thématiquement et mécaniquement différents ?

Nicolas : J’aime beaucoup les jeux de guessing et le prochain « Lutèce » qui sera édité chez Superlude est lui aussi un jeu de guessing mais avec un univers et une mécanique différente. Pour Tiki mon troisième jeu qui sortira avec IfAssociation, là se sera un jeu de réflexion à 2 joueurs dans la lignée des jeux dit « Abstraits » mais avec un thème et un univers assez fort.

> Au tout début, je me suis demandé pourquoi les unités étaient toutes identiques visuellement entre les différentes factions (seul les chefs de clan changent, et un peu les mages), mais c’est tout simplement pour un souci de lisibilité, non? avec 10 cartes différentes par decks, il est important d’identifier rapidement les différents personnages joués sur les champs de bataille. Cela a-t-il nécessité un travail d’illustration particulier ?

Nicolas : Oui, sur une première partie, le joueur doit se familiariser avec 10 cartes différentes, si les visuels avaient tous été radicalement différents entre les joueurs, le jeu aurait été beaucoup plus compliqué à prendre en main.

Biboun : Le fait que les Unité « de base » soient similaires et purement budgétaire, car il est logique que si l’on venait à faire une carte différente par personnage le budget du jeu ne serait pas le même. Donc on a plus misé sur les fonds de cartes (ambiances) et les couleurs de clans, pour essayer d’avoir un cout moins élevé tout en gardant une certaine qualité. Après pour le shugenja par exemple, je ne me voyais pas faire exactement le même sur les quatre clans, car ils étaient associées à des éléments donc il était logique de varier au moins ces derniers. Puis pour les seigneurs, au départ ils devaient être simplement de plein pied comme les autres personnages, et l’idée de les mettre à cheval pour leur donner plus de prestance me semblait plus logique et visuellement plus compréhensible.

> Kenjin est pour moi le jeu le plus exigent des produits Superlude. Y’a-t-il une volonté (éditoriale ?) de le rendre plus accessible ? C’est quand même un jeu d’opposition guerrière. Et la boite, les clans, les territoires, sont très colorés et chatoyants ; même constat par rapport au sang qui n’est présent que très subtilement sur la carte de l’assassin.

Nicolas : Antoine serait plus à même de vous en parler, mais personnellement je trouve que le travail de Biboun permet d’ouvrir le jeu à un public qui ne serait pas enclin à jouer à un jeu d’opposition guerrière. Et sincèrement, les illustrations de Biboun, elles déchirent non ? Moi je suis fan.

Biboun : Ah je ne sais pas si c’est réellement à moi de répondre à cette question. Mais on est venu me chercher en me demandant d’être dans un style proche de celui réalisé sur chronos conquest chez my witty games. Je pense sans vouloir trop m’avancer que c’est pour donner aussi un côté plus accessible au jeu. Car Superlude a des jeux qui se veulent tout public mais qui peuvent être aussi dirigé vers des joueurs plus confirmés.

> Serez-vous à Cannes ? Un goodies  pour le jeu est-il prévu?

Nicolas : Oui, je ne sais pas encore pour le vendredi, mais je serai présent le samedi et le dimanche. Un goodies est prévu, ce sera un nouveau terrain, le mont Kobayakawa

Biboun : Je serai à cannes et il y aura normalement un petit goodies caché dans un autre jeu, mais chut c’est un secret 😉

 

> On retrouvera prochainement le trio Superlude – Sato – Biboun pour Lutèce. Pouvez-vous nous en parler un petit peu ? Type de jeu, ambiance visuelle… Comment et pourquoi enchaîner ces deux projets ?

Nicolas : Lutèce est un jeu pour 2 à 5 joueurs et se déroulera dans un thème Gallo-romain. Avec une mécanique de pari et de mise, les joueurs devront avoir le monopole sur les richesses de la ville. On présentera le prototype lors des off de Cannes et une avant-première devrait être prévue pour le festival de Lutèce est ludique, à moins que ce soit Paris est ludique 😉

Biboun : Les jeux sont différents en termes de graphisme et en termes de gameplay. Le sujet me plaisait bien donc j’ai dit pourquoi pas. Ce n’est pas plus compliqué puis j’aime bien Nicolas également. J’espère en tout cas que le jeu vous plaira J

> Comment travailles-tu pour un jeu ? Tu y joues ? Comment t’inspires-tu du thème ? Tes recherches ?

Biboun : Oui j’y joue quand j’ai la possibilité sinon j’ai le proto sous forme PDF quand l’éditeur pense à me le faire passer.
Sinon j’aime travailler mes personnages en premier pour poser le style du jeu. Sinon pour l’inspiration dans ce genre de jeu, c’est pas mal de doc wikipédia et images de l’époque, film et autres support qui m’aiderait à avancer.

> Que signifie pour toi le japon ? Thème plaisant en particulier ? As-tu des thématiques de prédilections ?

Biboun : Non je n’ai pas spécialement de thématique particulière. J’aime beaucoup de choses. C’est ce qui me permet aussi, je pense de me diversifier dans les différents sujets que l’on peut me proposer.

> Z15, Héros à Louer sélectionné aux As d’or, Kenjin, Lutèce, l’actualité est riche… y’a-t-il d’autres projets en cours ?

Biboun : Oui j’ai participé aussi à la nouvelle extension de descent de FFG, et je suis également entrain la réédition du jeu Njet!, et d’autres jeux à prévus cette année mais je ne sais pas si je peux en parler.

> Les avis sont unanimes : la boite, les tuiles, les cartes sont vraiment sublimes. Quel est ton point de vue sur le niveau actuel de l’illustration francophone au sein du le monde ludique ? Xavier Collette, Naïade, Mathieu Leyssenne, Vincent Dutrait, Piero et bien d’autres… le niveau est impressionnant… Existe-t-il une forme de compétition positive qui au final tire le niveau vers le haut ? Vu le nombre de sorties, je suppose qu’il y a suffisamment de projets pour tout le monde ?

Biboun : Eh ben déjà je suis extrêmement flatté que d’être cité aux côtés de ces personnes que j’admire énormément pour leurs travaux. Pas besoin pour ma part de compétition J je lutte déjà assez avec moi même 🙂

Pour le nombre de sorties effectivement je pense qu’il y en a assez pour tout le monde, mais ma crainte et que l’édition du jeu suive le même chemin que celle de la BD qui croule sous une production démesurée qui devient un vrai cercle vicieux pour tous les acteurs de ce secteur. [même impression que Fred Henry dans l’interview]

Un dernier mot quand même car on ne va pas se quitter ainsi 🙂 Donc un grand merci à l’équipe et à très vite à Cannes pour celles et ceux qui seront présents <3

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