Article écrit par Patrice
1–4 joueurs, 10 ans et +, 30–40 Min
Complexité BGG: 2.74 / 5
Auteur: Hiroken
Illustrateur: MUJUNSHA
Editeur: Tricktakers Games (Pixie pour la VF)
Toute cette histoire commence par une promesse aperçue au FIJ à Cannes, en février dernier : un jeu de cartes attire mon regard par ses illustrations plutôt inhabituelles et un parti pris graphique qui me plaît beaucoup. Le (grand) plateau de jeu, très intriguant, en tissu fait aussi son effet. Le pitch me dit que ce jeu doit, va, me plaire… hélas pas le temps, pas de place, pas les partenaires ce jour-là.

Partie remise, le jeu est de nouveau sur les tables à l’Alchimie (oui, n’hésitez pas à aller sur les salons ! Et celui-ci est plein de bénévoles super sympas en plus) et nous pouvons y jouer une première partie.
C’est décidé, il me faut rejouer au plus vite…
C’est ainsi que je plaide pour obtenir une boite le temps de la « tester » pour pouvoir en parler, en écrire.
J’ai eu ce jeu en possession pendant 3 semaines et j’ai pu en jouer 27 parties avec des partenaires différents, des gros joueurs aux plus « occasionnels » d’entre elles et eux, tout le monde l’a apprécié et a eu envie d’en faire une seconde manche au moins.
Alors, après, si vous trouvez que mon propos sera un parti pris de quelqu’un qui a adoré ce jeu, bah vous aurez raison… Mais lisez, je vais essayer de vous dire pourquoi.
Mais d’abord de quoi on parle ?
Eternal Decks est un jeu coopératif pour un à quatre joueurs.
C’est un jeu à communication limitée, mais ici commence une des particularités des jeux coopératifs : ce sont les jeux, selon moi, avec lesquels nous prenons le plus de libertés avec les règles. Ainsi ici, en fonction des personnes autour de la table, selon qu’il s’agissait de la première ou de la huitième partie, la notion de « communication limitée » a parfois pu évoluer, l’important ayant toujours été le plaisir de jouer ensemble, nous n’avions rien à prouver à d’autres. En tout cas c’est mon avis pour les jeux coopératifs. L’expérience venant, devenir plus exigeant dans le respect de cette règle fait finalement comme un « niveau » supplémentaire de difficulté. D’ailleurs ma première partie à Toulouse en fut l’exemple : voyant une partenaire (elle se reconnaitra) jouer ce que je pensais être une « connerie », je n’ai pas pu m’empêcher de me lâcher un peu fortement. Parce qu’on pense parfois que l’autre n’a pas vu, a une autre carte dans sa main, qu’on est plus malin, … Au final cela nous a bien fait rire et ça reste un souvenir, de ces souvenirs qui donnent de la mémoire à l’éphémère.
Le jeu propose 6 paliers de jeu différents, possédant, pour les cinq premiers 4 niveaux de difficultés. Chacun des paliers propose des missions très différentes qui renouvellent bien les stratégies pour gagner et les manières d’y parvenir.
À chaque niveau, les joueurs tentent d’atteindre des objectifs différents, la défaite venant si un des joueurs, à son tour, ne peut plus jouer. Elle intervient aussi si un joueur pioche la carte Défaite de la zone Bonus de la Rivière.
Les joueurs commencent la partie avec 5 cartes (7 à deux joueurs), 3 en main, le reste dans une pioche.
À son tour, il faut effectuer l’une de ces trois actions :
– Jouez une carte : sur les champs (les 3 premières lignes), sur la rivière (la ligne du bas) ou en utilisant une capacité (une carte par deck d’éternel)
– Générer un bijou
– Donner une carte à un coéquipier

Alors évidemment il va vite falloir « gagner » de nouvelles cartes pour réaliser les objectifs. Lorsqu’un joueur parvient à jouer une carte dans le dernier emplacement libre d’une ligne, il choisit le deck (8 cartes) de l’un des éternels présents sur la ligne et le place sous sa pioche. On dit qu’il « réveille » un éternel. Si les trois (ou quatre) éternels de la ligne ont déjà été réveillés, un autre bonus est disponible.
Évidemment, l’éternel réveillé n’étant pas très content, il décide de nous interdire de jouer certaines cartes (parfois selon une couleur, parfois selon une valeur).

Là, on est d’accord que le thème c’est un peu n’importe quoi ?
Oui, on est d’accord, mais cela ne me pose aucun souci : mécaniquement ça fonctionne !
Il existe plusieurs éternels, classés en « catégories » qui amènent des variations dans les configurations : des decks de cartes connus de tous même si on ne sait pas quelle carte exactement pioche le partenaire, le dos des cartes indique le deck concerné, cela aide ; un interdit et une carte capacité propres. Les capacités :
– « A » offrent une part d’étoile (ou une entière sur les paliers suivant le A)
– « B » et « C » ont des pouvoirs variables
– « D » offre un pouvoir permanent tant que la carte est active mais contiennent des cartes « crânes » (bon, vous irez en lire plus dans les règles si besoin).
– « E » propose un deck inconnu constitué de cartes prises au hasard dans un deck de toutes les couleurs et valeurs.
Les éternels sont à sélectionner selon les paliers et/ou les niveaux de difficultés choisis. Il en existe un peu plus que nécessaire, un D4 propose de faire un choix aléatoire lors de la mise en place.
Je dois dire que cet aléa me paraissait encore plus important dans mes premières parties où je croyais qu’il fallait forcément prendre les éternels dans l’ordre où ils étaient disposés sur le plateau de jeu. Finalement le joueur choisit celui qu’il veut. Personnellement cela me paraît plus facile. Ne pas avoir le choix constitue donc un palier de difficulté supplémentaire si vous le souhaitez.
Et donc, pour « annuler » cette contrainte, il faudra générer un bijou (défausser une combinaison de 1, 2 ou 3 cartes).
Parfois, « simplement » donner une carte à un partenaire peut être une très bonne action pour ne pas perdre la partie, soyez vigilants, pensez à ce qu’un joueur ne se retrouve pas bloqué.
Les objectifs à réaliser sont très variables :
– Le palier A vous demande de gagner 4 étoiles
– Le palier B vous demande de réveiller les 4 éternels « B » placés sur la première ligne du champ, mais de plus les pouvoirs bloquants de ces éternels sont amenés à être réactivés au fil du jeu, un enfer.
– Le palier C vous demande de réaliser un « labyrinthe » avec les cartes disposées sur le champ : réaliser une figure imposée de cartes de couleurs. Les cartes violettes entrent en jeu.


– Le palier D vous permet d’utiliser les éternels « D » pour affronter le Gardien de la Porte. Franchement là ça s’est sacrément aggravé pour nous je l’avoue, même en niveau débutant.

– Et je n’ai pas tenté le palier E… ni le F, le réveil du dragon… Mais cela ne saurait tarder, le jeu arrivant en boutique tout bientôt.
D’ailleurs, je n’ai pas non plus tenté d’y jouer en solo, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, mais à la lecture, ça devrait aussi plaire à ceux qui aiment jouer seul.
Évidemment, ce serait trop simple s’il n’y avait pas de contraintes de poses des cartes dans les champs. De base, il est, sauf exception précisée, interdit de poser des cartes de même valeur l’une à côté de l’autre, de même pour des cartes de même couleur. Les cartes bicolores se plaçant dans le sens que l’on veut peuvent permettre de contourner cette dernière contrainte.
De plus, sur chaque rangée une carte impose une contrainte supplémentaire : de valeur croissante ou décroissante, que des paires, de valeurs qui ne se suivent pas ou au contraire seulement différentes de +/-1, …
Selon les niveaux, les contraintes évoluent après chaque réveil d’éternel et cela peut devenir bien, bien, casse-tête, et c’est ça qui me plaît beaucoup.
Les parties sont plutôt courtes (une petite trentaine de minutes en général), voire très courtes quand vous vous plantez (je vous donne un tips : n’essayez pas à 3 joueurs de tous réveiller un éternel dans le même tour rapidement… d’un seul coup 3 contraintes simultanées ça peut vous poser quelques soucis).
À la fin d’une partie on a toujours envie de rejouer, que ce soit pour tenter le pallier supérieur (en difficulté et/ou en type d’objectif) ou pour re-tenter la configuration où l’on vient d’échouer. De fait, je n’ai jamais fait une seule partie à la fois, allant jusqu’à 6 de suite.

Alors, au final, j’en dis quoi ?
La boite est déjà dans mon panier chez mon crémier préféré, cela devrait vous suffire comme indication.
Je ne dis pas que j’y rejouerai aussi souvent autant de parties dans un si petit délai, mais clairement il ressortira régulièrement. Combien de jeux avez-vous joués 27 fois cette année ? Moi aucun autre (du moins IRL, sur BGA j’avoue avoir 2-3 addictions bien précises).
J’ai joué à Eternal Decks avec des « gros » joueurs, des spécialistes du coopératif (nous avons mené toutes les campagnes Pandemic ensemble, de longues séries de The Crew, …), mais aussi des joueurs plus occasionnels et le plaisir était toujours autour de la table. Nous avons tenté des paliers différents, avons été plus ou moins été pointilleux sur les marges de communication et l’usage des jetons de communication, mais nous avons pris du plaisir. Je peux le conseiller sans souci à des joueurs de tous « niveaux ».
Certains trouvent ce jeu calculatoire, mécanique. Je suis d’accord et j’aime cela, c’est selon les goûts évidement. Mais je classe aussi Pandemic dans ces catégories.
On est dans la gamme d’un « puzzle-game », d’une forme de réussite coopérative.
Globalement il est difficile à un joueur de prendre le pouvoir sur la partie et de jouer « l’alpha », ce qui serait facile à corriger en étant plus restrictif sur la communication s’il y avait des velléités, mais pourquoi ? Ce n’est pas un concours de centimètres ?
Définitivement je trouve les illustrations des éternels très jolies, même si le thème est complètement WTF. Mais auriez-vous trouvé un thème qui fonctionne ?
Le matériel est de très bonne qualité, d’autant qu’il est annoncé que le tapis de la VF sera de meilleure qualité encore. (vous noterez que les photos sont celles d’un jeu qui a « survécu » à divers festivals dont 3 jours de Paris Est Ludique, un autre super évènement, et sa poussière)
Les règles en VF que je viens de relire avant d’écrire cet article me semble très bien écrite et corrigent quelques points qui m’avaient fait douter dans la version anglaise (bon d’accord je ne suis pas un expert dans la langue de Shakespeare).
Certains soulèvent le souci de devoir revenir à la règle parfois parce que de multiples éternels amènent de multiples micro-règles, mais les aides de jeu remplissent très bien leurs fonctions pour cela, ce n’est pas un souci.
J’ai pu jouer à 2, à 3 et à 4 joueurs, le plaisir a toujours été là, le jeu fonctionne aussi bien quelle que soit la configuration.
J’ai « peut-être » eu la sensation qu’à deux joueurs les parties me semblaient plus faciles à gagner, mais je ne saurai dire si cela était lié au jeu en lui même ou aux joueurs concernés (j’ai joué toutes les parties à 2 avec la même partenaire), ou encore si nous avons plus (trop) communiqué que la règle ou enfin si ce n’est qu’une sensation. Mais bref, je valide que ça fonctionne très bien dans toutes ces configurations.
Le gros « reproche » que je ferai est simplement dans l’ergonomie du rangement : si le principe du plateau en tissu pour garder une boite de taille plutôt petite est top, j’aurai bien aimé un rangement du type de celui de Dominion par exemple pour classer les cartes et les decks d’éternels séparément, pouvoir gagner du temps sur la mise en place et le rangement.
Mais je suis sûr que les origamiste ou les spécialistes de l’impression 3D proposeront rapidement des petits projets pour réaliser cela.

1–4 joueurs, 10 ans et +, 30–40 Min
Complexité BGG: 2.74 / 5
Auteur: Hiroken
Illustrateur: MUJUNSHA
Editeur: Tricktakers Games (Pixie pour la VF)