Ayar : Quand les Incas rencontrent le chaos conjugal

Ayar : Quand les Incas rencontrent le chaos conjugal

Une partie épique avec Lysa (et quelques drames domestiques)

Petite info concernant les photos : elles ont été prises pendant une partie à 4 joueurs et non pendant la partie décrite ci-dessous.

1–4 joueurs, 14 Ans et +, 60–90 Min
Complexité BGG : 3.13 / 5
Auteurs: Mandela Fernandez-Grandon, Fabio Lopiano
Illustrateur: Ian O’Toole
Editeur: Osprey Games (en VF chez Super Meeple en 2026)

A acheter dans nos boutiques partenaires Ludum et Philibert

Vous savez ce qui manquait cruellement à votre vie de couple ? Un jeu de société sur la mythologie inca où vous devez placer des tambos tout en gérant des lamas, des îles flottantes et la colère de deux divinités capricieuses. Non ? Moi non plus, jusqu’à ce que Ayar: Children of the Sun débarque sur notre table.

Samedi soir, 20h37. Lysa me regarde avec ce sourire en coin qui signifie généralement « je vais te détruire, mais avec élégance ». Nous venons d’ouvrir la boîte d’Ayar, et déjà, le matériel nous laisse sans voix. Ian O’Toole a encore frappé : ce type transforme des plateaux de jeu en œuvres d’art qui mériteraient leur place au Louvre.

Setup : Ou comment perdre 10 minutes de sa vie (avec plaisir)

Le setup d’Ayar, c’est comme monter un meuble IKEA, mais en mieux : il y a des instructions claires, aucun morceau mystérieux qui reste à la fin, et surtout, personne ne menace de divorcer. Enfin, pas encore.

Nous étalons le matériel : un plateau principal magnifique, un plateau du lac Titicaca (oui, j’ai ri comme un gamin de 12 ans), des pions Ayar colorés – turquoise, orange, bleu et violet – qui représentent les enfants du Soleil et de la Lune, 16 tambos chacun, et une collection impressionnante de ressources : textiles, poteries, maïs et îles flottantes.

« C’est quoi ces cadrans Inti ? » demande Lysa en manipulant la petite roue qui servira à tracker notre dévotion au dieu Soleil.

« C’est pour compter tes points de Soleil. Les points de Lune, c’est séparé. À la fin, ton score, c’est le PLUS BAS des deux. »

Silence.

« Attends, quoi ? Le plus bas ? »

Exactement. Bienvenue dans Ayar, où l’équilibre cosmique n’est pas une suggestion, mais une nécessité mathématique impitoyable.

Jour 1 : L’innocence perdue

La partie commence paisiblement. Nous plaçons chacun notre premier tambo lors de l’activité de départ. Lysa choisit la poterie, moi le tissage. Les quatre Ayar – turquoise, orange, bleu et violet – que nous partageons tous les deux, commencent leur voyage depuis Tiwanaku vers Cusco, cette terre promise au centre de l’univers.

Le mécanisme est diablement élégant : à ton tour, tu places un marqueur d’étape coloré sur ta grille de tambos, ce qui détermine quel Ayar bouge. Puis tu prends un tambo de cette rangée ou colonne, tu le places sur le chemin derrière l’Ayar que tu viens de bouger, et tu effectues l’activité correspondante avec une puissance égale au nombre d’emplacements vides dans ta ligne/colonne.

« Donc si je comprends bien, » commence Lysa avec ce ton dangereux des gens qui ont PARFAITEMENT compris, « tu essaies de vider des rangées pour augmenter ta puissance d’action tout en débloquant des bonus ? »

« Exactement ! Et pendant ce temps, il faut gérer quatre Ayar différents, scorer des temples, des tuiles Raymi, et garder ses scores Soleil et Lune équilibrés. »

« Ce jeu est sadique. J’adore. »

Les quatre activités : Un festival de choix déchirants

Mon premier vrai tour, je fais du tissage. Je prends des textiles sur le plateau du lac et je dois les placer dans ma zone de tissage – un jeu de Tetris où chaque pièce couvre exactement deux cases. L’objectif ? Compléter des colonnes consécutives pour scorer des Lunes, tout en essayant de former des soleils complets pour booster ma dévotion Inti.

Lysa, pendant ce temps, fait de la poterie et accumule déjà des vases colorés. Chaque vase a une couleur, et il faut créer des sets pour scorer : un vase = 1 point de Lune, deux du même = 4 points, trois = 9 points, quatre ou plus = 16 points. La progression est exponentielle, ce qui rend chaque vase supplémentaire d’une couleur de plus en plus précieux.

Au deuxième tour, je plante du maïs. L’agriculture en terrasse était LE truc des Incas. Tu places ton maïs sur le plateau du lac, et en retour, tu révèles des soleils et des lunes cachés sur ton plateau personnel. C’est un investissement à long terme qui paie grassement.

Puis vient le reed bundling – la construction d’îles flottantes. Tu bouges ton bateau sur le lac Titicaca et tu construis des îles, exactement comme le faisaient les Uru. Plus l’île a une valeur élevée, plus elle te rapportera de points de Lune. Lysa place stratégiquement son île sur la case à 8 points et gagne un Viracocha – ces jetons bonus qui débloquent des capacités permanentes.

Phase de nuit : Quand tout devient sérieux

Après que nous ayons tous deux placé nos cinq marqueurs d’étape du premier round, la nuit tombe. L’Ayar qui a le moins avancé se retire. Le pauvre Ayar orange mord la poussière en premier.

Puis vient le scoring des temples. Plus tôt dans la partie, j’avais placé un temple sur la rangée de l’Ayar orange. Maintenant, l’Ayar femelle correspondante marche le long de la rangée et score tous les temples présents. Mon temple de tissage me rapporte un nombre respectable de points de Lune, plus un bonus de 6 points parce qu’il était dans la première colonne.

« C’est malin, » admet Lysa à contrecœur. « Tu as sacrifié ton Ayar orange pour scorer ton meilleur temple tôt. »

« Stratégie, ma chère. STRATÉGIE. »

Elle me lance un regard qui pourrait cuire un alpaga à trois mètres.

Les tuiles Raymi : Des festivals pour tout le monde

L’Ayar turquoise franchit une tuile Raymi du tissage. Nous comptons tous deux nos soleils visibles dans nos zones de tissage et augmentons nos cadrans Inti en conséquence. J’ai 5 soleils, Lysa en a 3. Mais elle atteint le seuil requis et gagne aussi un lama.

« Un lama ! Mon premier lama ! » s’exclame-t-elle comme si elle venait de gagner à la loterie.

Les lamas, c’est la vie. À la fin de la partie, tu peux les convertir en points selon une échelle progressive : 1 lama = 1 point, 2 lamas = 3 points, 3 lamas = 6 points, 4 = 10, 5 = 15, et ainsi de suite.

Le drame du round 2 : L’erreur fatale

Round deux. Je me sens confiant. Peut-être trop confiant.

Puis je réalise mon erreur.

Mon score de Lune est à 38. Mon score de Soleil ? 12.

DOUZE.

« Euh… Lysa ? »

« Oui, mon amour ? »

« Je crois que j’ai un problème d’équilibre cosmique. »

Elle jette un œil à mes scores et éclate de rire. « Tu as oublié que seul le PLUS BAS compte ? »

Le problème avec Ayar, c’est qu’on peut facilement se laisser emporter par une stratégie et négliger l’autre moitié de l’équation. Je passe les deux tours suivants à désespérément essayer de rattraper mon retard solaire. C’est tendu. Très tendu.

Les bonus Viracocha : Le pouvoir des dieux

Lysa a réussi à collecter trois Viracocha sur un même emplacement de son plateau, débloquant un bonus permanent qui lui donne un soleil supplémentaire chaque fois qu’elle gagne de la dévotion Inti.

« C’est complètement pété comme bonus, » je marmonne.

« C’est de la stratégie, mon cher. STRATÉGIE, » rétorque-t-elle avec mon propre ton condescendant.

Touché.

Phase finale : La course vers Cusco

Round quatre. La tension est palpable. Il ne reste plus que deux Ayar en course : l’Ayar bleu et l’Ayar violet.

L’Ayar bleu atteint la case 30 – Cusco ! Un scoring spécial se déclenche : nous pouvons chacun choisir DEUX activités différentes et gagner de la dévotion Inti pour chacune. Plus un lama pour chaque activité où nous avons au moins 6 soleils.

Je choisis tissage et poterie. Lysa opte pour agriculture en terrasse et reed bundling. Nous gagnons tous deux deux lamas supplémentaires.

Le scoring final : Les mathématiques du destin

Dernière phase de nuit. Le dernier Ayar se retire. Puis vient le moment de vérité : l’allocation des lamas.

J’ai accumulé 5 lamas durant la partie. Lysa en a 6 (évidemment).

Mes scores avant lamas : Soleil à 112, Lune à 120.

Je place 3 lamas en Soleil (+6, total 118) et 2 en Lune (+3, total 123). Mon score final : 118 (le plus bas des deux).

Lysa, avec son sourire victorieux déjà en place, alloue ses 6 lamas avec une précision chirurgicale.

Ses scores avant lamas : Soleil à 126, Lune à 135.

Elle place 4 lamas en Soleil (+10, total 136) et 2 en Lune (+3, total 138). Son score final : 136.

« 136, » annonce-t-elle calmement. « Contre 118. »

Je regarde le plateau, puis mes scores, puis Lysa.

« Tu… tu as maintenu un équilibre parfait pendant toute la partie ? »

« Techniquement, » répond Lysa avec une modestie feinte, « j’ai simplement été meilleure à équilibrer mes scores. »

« C’est de la sorcellerie inca. »

« C’est de la stratégie, mon cher. »

Verdict : Ayar est-il excellent ?

Absolument. Sans l’ombre d’un doute. Avec une cerise sur le gâteau et un lama en bonus.

Ayar est un jeu de placement d’ouvriers déguisé en puzzle d’optimisation multi-dimensionnel, enveloppé dans une couverture de mythologie inca fascinante, et servi avec une présentation visuelle à couper le souffle. C’est le genre de jeu où chaque décision compte, où chaque tour offre des choix déchirants, et où tu finis par te soucier sincèrement du destin de petits pions en bois représentant des demi-dieux pré-colombiens.

La mécanique du « plus bas score compte » est géniale parce qu’elle t’oblige constamment à jongler, à réévaluer, à t’adapter. Tu ne peux pas te spécialiser dans une seule voie – l’équilibre est tout. C’est frustrant, gratifiant, et absolument addictif.

Le fait que les Ayar se retirent progressivement ajoute une couche narrative magnifique. Tu ne joues pas juste un jeu abstrait : tu vis l’histoire de ces quatre couples divins voyageant vers leur destin, se transformant l’un après l’autre en pierre jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.

À deux joueurs, le jeu est tendu, tactique, et parfaitement équilibré. Chaque activité est viable, chaque stratégie a sa place, et les interactions – bien qu’indirectes – sont constantes.

Conclusion : Pour qui est Ayar ?

Si vous aimez les jeux qui font surchauffer votre cerveau d’une bonne manière, si vous appréciez l’artwork sublime, si vous voulez vivre une aventure mythologique tout en optimisant des combos de ressources, alors Ayar est fait pour vous.

C’est un jeu pour les couples qui aiment se défier mutuellement. C’est un jeu pour ceux qui trouvent de la beauté dans l’élégance mécanique. C’est un jeu pour les amoureux de stratégie qui veulent quelque chose de différent, de thématique, de mémorable.

Et franchement, tout jeu où les lamas sont cruciaux pour la victoire mérite sa place dans votre ludothèque.

Maintenant, si vous m’excusez, je dois analyser où j’ai perdu 18 points et demander une revanche. Lysa dit qu’elle accepte, mais seulement si je promets d’arrêter de me plaindre de « son équilibre cosmique parfait ».

Les dieux du Soleil et de la Lune ont parlé. Et apparemment, ils préfèrent Lysa.

1–4 joueurs, 14 Ans et +, 60–90 Min
Complexité BGG : 3.13 / 5
Auteurs: Mandela Fernandez-Grandon, Fabio Lopiano
Illustrateur: Ian O’Toole
Editeur: Osprey Games (en VF chez Super Meeple en 2026)

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