LONDRES, Wallace a encore frappé.

2–4 joueurs, 14 ans et +, 60–90 Min
Auteur: Martin Wallace
Illustrateurs: Mike Atkinson, Natalia Borek, Przemysław Sobiecki
Editeur: Osprey Games (et Origames pour la VF)
28,90 € en VF chez Philibert

Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

Londres en est l’exemple typique.

En 1665 la grande peste frappe la ville et fait environ 75 000 morts (voire même 100 000), soit environ 20 % de sa population.Du dimanche 2 septembre au mercredi 5 septembre 1666 un grand incendie de Londres  ravage le centre de la ville. Il brûle 13 200 maisons, 87 églises paroissiales, la cathédrale Saint-Paul, et la majorité des bâtiments publics de la Cité.

Quand ça ne veut pas… Ça ne veut pas !

Parce que maintenant ce sont les pauvres qui vont déferler sur la ville.

Les pauvres et l’argent ça fait pas bon ménage.

Martin Wallace choisit donc cet espace-temps très particulier de la capitale pour nous octroyer un moment de joie, d’amusement et de félicité ludique…

Il s’agira pour le joueur de reconstruire la ville afin de la préparer à entrer dans l’ère moderne.

L’argent va donc affluer pour vous permettre de réaliser votre grand projet. Malheureusement qui dit argent qui pauvres (il existe une version apocryphe et alternative de cette dernière phrase qui serait attribuée à Shakespeare : Qui dit argent dit dépenses, Qui dit crédit dit créance, Qui dit dette te dit huissier. Rien n’est sûr à ce sujet.)

Mais le riche bourgeois londonien ne veut pas de mendiants dans ses beaux quartiers. Le pauvre baaahhh, c’est sale, c’est caca. Et puis le pauvre ça te rappelle à quel point t’es égoïste.  

Il faudra à l’architecte faire en sorte de limiter la pauvreté dans son projet s’il veut que son nom soit inscrit au frontispice de l’histoire des  bienfaiteurs de la ville.

Ah misère, misère… C’est toujours sur les pauvres gens que tu t’acharnes obstinément.

Londres est un jeu de cartes dans lequel vous allez construire votre quartier tout en évitant d’avoir un niveau de pauvreté plus élevé que votre voisin (on l’a dit plus haut le pauvre c’est caca). On ne discutera pas ici des implications morales d’un jeu qui n’a pour solution à la misère que de la rejeter aux portes d’une ville. Je ne pense pas que Marin Wallace ait vu à mal.

Londres : le jeu de punk mais à l’envers !!!

Quatre actions

Développer votre projet : pour cela jouez des cartes de votre main sur la table devant vous. Pour poser il vous suffit de défausser une carte de la même couleur de celle que vous souhaitez poser (et éventuellement payer quelques livres).  Premier petit coup de génie : les cartes défaussées sont posées sur un plateau accessible à tous vos adversaires… Réfléchissez avant de jouer.

Soit vous posez votre carte sur une existante soit vous créez une nouvelle pile.

Acheter un terrain : payez pour acheter une carte terrain qui en gros vous permettra de piocher des cartes, faire des pv, retirer la pauvreté de votre projet et souvent d’avoir un petit pouvoir supplémentaire bien utile. A ne pas négliger, ces cartes coûtent cher mais sont juste d’un intérêt majeur et peuvent générer une fortune subséquente.

Piocher 3 cartes : soit du plateau de défausse, ce qui vous laisse le choix, soit au hasard. Le plateau défausse limitera le hasard dans votre main de cartes mais donnera une indication sur votre stratégie.

Activer votre projet : toutes les cartes posées devant vous sont activées. Elles génèrent, argent, pv, perte/gain de pauvreté, quelques effets négatifs pour les autres joueurs.

Enfin : quelques cartes pauvres (ne pas confondre avec la pauvreté) sans la moindre utilité viendront vous pourrir la main et un des moyens de les retirer sera lorsque votre main atteint 9 cartes, à ce moment-là vous devrez défausser l’excédent (mais vous verrez le danger d’avoir trop de cartes en main plus tard).

Putain de sleeves…..

Rentrons dans le gras du jeu :

Une fois votre projet activé, les cartes de votre choix des piles devant vous, sont retournées et sont désormais inutilisables . Les piles restent en place jusqu’à la fin de la partie. Plus de piles, plus d’effets, plus d’argent, plus de pv. Je vois d’ici vos regards avides bande de cochons !

Et maintenant, pleurez : pour chaque pile devant vous et chaque carte en main vous recevez une pauvreté (cube noir) dans votre stock (je ne parle pas de la possibilité de faire des prêts qui génèrent eux aussi pauvreté) (en fait si, je viens d’en parler…). Car au moment du décompte ces petits cubes vont vous coûter, très, très cher. En gros, le joueur avec le moins de cube s’en séparent tout simplement. Les autres joueurs en enlèvent autant que lui et gardent la différence. Ils subissent des pertes de pvs en conséquence : et là ça peut chiffrer très vite, faire très mal, vraiment très mal. Car plus vous avez de cubes plus la perte de pvs sera importante. Sur une partie à 60 pvs j’ai réussi à en perdre une trentaine. Autant dire que je n’ai pas gagné la partie….

Alors pourquoi Londres est génial ?

  • Car oui il est génial.
  • Sisisisisi, il est génial.

Chez moi on adore, on kiffe, on se régale, on s’éclate. Non, je n’accepterai pas les avis dissonants. C’est mon article, je fais ce que je veux !!!!

D’abord, on peut faire une partie à quatre en 1h30 avec une belle densité de réflexion.  Même si Londres est un jeu assez souple et détendu pour les amateurs de jeux experts que nous sommes, il s’en dégage une profondeur stratégique intense.

Ensuite, encore une fois, Wallace met l’accent sur l’aspect social du terme « jeu de société ». Sur les premières parties, l’interaction vous semblera faiblarde voire limitée. Puis, passée votre première déculottée, vous aurez compris le fond du jeu : il est impossible de jouer sans scruter vos adversaires. Ne pas se faire distancier sur la pauvreté, ne pas se défausser des cartes qui alimenteront le jeu de l’autre, ne pas lui laisser les meilleurs terrains. L’interaction est hyper présente même si elle n’est pas directe. Il est hors de question de jouer le nez dans vos cartes, dans votre coin.

De nombreux choix tactiques s’offrent à vous, dans le choix des cartes, le bon chaînage de votre projet, l’opportunité de créer une nouvelle poile ou pas, le bon moment du déclenchement du projet, gestion de votre pauvreté, etc… etc…

Un élément en faveur du jeu, totalement subjectif : le jeu est beau. Non pas beau : stylé !  La boite est classe, distinguée à l’anglaise, les cartes sont superbes, les terrains sont magnifiques. Il se dégage du tout une esthétique incroyable qui concourt au plaisir et à l’envie de jouer.  Et tout ça dans une grande simplicité graphique avec une pointe austère qui nous transporte à Londres avec tous les clichés sociaux, esthétiques et idéologiques qu’on peut se faire sur cette ville et ses habitants.

J’ai rarement eu envie de sortir un jeu juste parce qu’il est beau. Ici c’est le cas (même si heureusement il ne sort pas que pour ça. Par exemple Grimm Forest est fort beau mais il reste dans son placard tellement il nous intéresse peu.)

Alors ?

Alors Mr Wallace nous sort encore un jeu à sa manière :

  • Beau (comme les Brass et ses boites splendides Nanty Narkin et son esthétique si bien intégrée au jeu)
  • Interactif
  • Intelligent
  • Exigeant
  • Malin
  • Sobre
Hein… Quoi ! Hein… Sobre. Ah nooon…. pas mouuuua !!!!

Londres est un très bon et très beau jeu qui me donne envie de découvrir un peu plus l’univers ludique de Wallace. Et tout ça pour l’incroyable modique somme de 28.90

Essayez Brass Lancshire : une perle ludique d’une incroyable profondeur.

Essayez Brass Birmingham : la version profonde du déjà profond Lancashire

Essayez Nanty Narkin si vous aimez les jeux chaotiques et les jeux d’enfoiré. C’est pas ma tasse de thé mais quelle ambiance autour de la table !!!!

Chadoreu les cheux d’enfoirés !!!

N’hésitez pas foncez sur Londres mais de chez vous pour cause de confinement. Déconnez pas, on vous veut vivant d’ici quelques semaines.

Prenez soin de vous. Prenez soin des vôtres (c’était la minute sanitaire d’El Stefano !).

9 Comments

  1. Comparativement à l’ancienne version avec le plateau ça diminue un peu l’interaction j’imagine. N’ayant pas joué à cette nouvelle mouture c’est du coup les pouvoirs des terrains qui m’intriguent. Par contre je me demande si il est encore possible de relier ces quartiers avec le métro pour faire des points supplémentaires ?

  2. tiens, j’ai envie de jouer à un jeu de pauvres avec cet article, alors qu’en fait c’est mieux d’être riche non? je ne comprend plus votre positionnement M el Stefano, des précisions? 🙂

  3. Bonjour,

    Merci pour votre article, j’ai découvert aujourd’hui votre blog. Bravo pour votre travail. Concernant Londres, j’avoue qu’il m’intrigue et qu’il faisait parti de me Wish List comme on dit. Votre analyse m’a donné envie de passer le Cap, ce sera mon prochain jeu que j’irais chercher dans ma boutique préférée. Je trouve le thème très bien et assez à propos qui change des classiques ‘on va buter du monstres’ et j’avoue que la chartre graphique avec cette sobriété relativement Bristish ne me laisse absolument pas indiiférent.

    Merci encore, prenez soin de vous.

    Philippe.

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