2–5 joueurs, 10 ans et +, 60 à 90 minutes
Auteur: William Attia
Illustrateur: Andrew Bosley
Editeur: Space Cowboys
en VF chez Philibert à 44,90 €
Caylus est un bourg pittoresque dont les rues et venelles moyenâgeuses s’accrochent au flanc d’une colline rocheuse d’où émergent les restes d’un château qui lui a sans doute donné son nom: «Castellucium: petit château». On s’arrêtera là pour l’histoire mais si ça vous intéresse cliquez ici.
En 2005, Ystari Games éditait un jeu majeur du monde ludique : CAYLUS. Là, nous voici déjà plus dans le domaine qui nous titille du matin au soir.
William Attia marquait là un grand coup, en créant ce qui sera pendant longtemps un modèle du jeu de pose d’ouvriers (et qui pour moi l’est toujours). Faut dire que le gars, ce n’est pas un rigolo, il n’y a qu’à jeter un œil sur ses victoires en tournoi de Diplomatie (un vieux jeu, particulièrement pointu).
- vainqueur du premier Grand Prix Européen (coupe d’Europe de la discipline) en 2002 ;
- champion de Norvège en 2002 ;
- champion du Danemark en 2002 ;
- champion de France par équipes en 2005 ;
- trophée par équipes du Grand Prix Européen en 2005.
Sachez que les gens qui jouent à Diplomatie sont tous plus ou moins des cerveaux avancés : en mars 2016, on assiste à la victoire au jeu de go d’un ordinateur sur l’un des meilleurs joueurs au monde, aboutissement d’un projet mené par un ancien joueur de Diplomatie, Demis Hassabis. Quand je vous dis que les types de Diplomatie c’est du high level.
C’est dire si Caylus dégageait une odeur d’exigence dès sa conception et bien après sa crise d’adolescence. Un jeu futuriste ou pour le moins avant-gardiste.
Personnellement c’est un de mes premiers jeux achetés, un des seuls jeux qui truste mon top 10 depuis 15 ans et je ne vois pas comment il pourrait être détrôné. C’est aussi un jeu avec une dimension affective évidente. Affective voire amoureuse. « Sois pas jalouse chérie. Comment ça t’as retrouvé la boite dans le lit… Mais… Mais… Mais non chérie tu te trompes ! »
Caylus est un jeu exigeant intellectuellement, hautement compétitif, sans pitié, féroce et avec une courbe d’apprentissage incroyable. Les parties peuvent durer plus de 2 heures avec une activité intense du cortex préfrontal et post nasal. Un vrai jeu expert qui demande un investissement de matière grise et de temps. Mais quel bonheur de toujours découvrir de nouvelles manières de scorer après tout ce temps.
Comme la vie réserve des surprises, Taaaadam, les Space Cowboys nous offrent une nouvelle mouture de La pépite.
J’ai envie de crier au scandale. C’est comme redessiner la Joconde aux crayolas, rebatir la tour Eiffel en béton, imaginer Nabila sans sa poitrine !!! On ne touche pas aux monuments.
Mais je ne crie pas au scandale. Soudain, je me souviens que je suis un anarcho-libertaire et que les monuments sont faits pour être déboulonnés. Soyons francs, le travail des Space Cowbvoys est toujours de bonne qualité. (ici vous trouverez tout leur travail ). Je décide de leur faire confiance sur ce coup. D’autant que le projet est adoubé par Mr Attia Himself.
Le principe des deux jeux reste le même. Oui je sais… J’enfonce des portes ouvertes.
Poser vos ouvriers le long d’un chemin qui s’activera le moment venu du début vers la fin. Il faudra donc veiller à bien choisir vos actions et ne pas vouloir construire un bâtiment alors que vos ressources ne seront disponibles sur le chemin que deux ou trois cases plus loin. L’erreur d’un débutant qui se mettra bien vite à la programmation. Viendra le moment d’activer le prévôt que chaque joueur pourra déplacer en payant. Tout bâtiment après le prévôt n’est pas activé. Le prévôt selon sa place dans le jeu (en lien avec le bailli, mais je simplifie les règles…) vous permettra de rallonger ou de raccourcir la partie. Côté interactivité, ça va être très puissant. Enfin construisez le château avec des lots de ressources et recevez des faveurs. Oui parce que le thème est gros : aidez à construire le château de Caylus. Des choix stratégiques qui pleuvent de partout, des paramètres à prendre en compte dans tous les sens, une vraie compétition entre joueurs. Mooon dieu que ce jeu est beau.
Voilà la mécanique présentée succinctement avec un nota bene vital : Zero hasard. Victoire ou défaite tout dépendra de vous.
Alors pour parler un peu latin, parce que je trouve que c’est une langue qu’on ne parle plus beaucoup et que j’en suis très attristé :
Quid de la version 1303 de 2020 ?
Le jeu est sensiblement le même. Mais pas pareil tout en étant différent dans son identité intrinsèque… Si je mets fin ici à ma chronique ce serait faire preuve de beaucoup d’humour…
D’abord un changement graphique que je trouve à titre personnel certes nécessaire car en 2005 les jeux étaient laids mais fonctionnels (un peu comme tout à cette époque révolue, genre, les voitures, les femmes, les télés… Mais la pâte graphique est commune, très simple, en tout cas pas transcendantale. La boite nous propose une femme architecte… Ok. Bravo pour l’inclusion, perso je suis pour à fond. Mais a-t-on pour autant besoin de réécrire l’histoire ? Parce qu’honnêtement les femmes archi en 1303 il ne devait pas y en avoir beaucoup ? Il serait peut-être sympa que nos petites filles puissent se rendre compte à quel point l’histoire a mal traité leur genre, que rien n’est jamais gagné d’avance et que le combat ne doit jamais s’arrêter. Mais bon ça c’est une autre histoire.
Les actions sont simplifiées et alors que la construction du château est le thème du jeu, ici cela devient une action comme les autres. On n’a pas l’impression de participer au grand œuvre. Le système des faveurs est allégé, simplifié presque à outrance mais il y a un ajout de personnages qui peuvent être acquis au château ou volés à vos adversaires. Personnages qui vous offrent un petit bonus. Ça c’est du tout nouveau, du cru 2020, enfin 1303, et c’est un très bon ajout.
Plus d’argent, désormais on paye en travailleur. Ça change quoi ? Rien c’est exactement la même chose à part que les joueurs ont tous tendance à remettre les meeples devant eux et pas dans une case spécifique prévue à cet effet. Pas sûr qu’on y gagne quelque chose.
« Photo originale certifiée conforme »
Tout a été optimisé pour rendre le jeu plus évident, plus accessible. Le prévot s’est vu séparé de son bailli et il n’y aura pas moyen d’influer sur la durée de la partie. Dommage. En une heure et 20 minutes à 5 nous avons plié une partie. Caylus 2005 aurait duré deux bonnes heures de plus. Un des effets de la simplification du jeu. De plus, le jeu est prévu 9 tours. Pas un de plus.
Méchant bémol pour moi : les points de victoires sont cachés. On déteste tellement ça chez nous qu’on a désobéi aux Space Cowboys et qu’on a joué en points apparents.
Les règles s’expliquent en un quart d’heure maxi et le livret est parfait. On a joué avec un enfant de 11 ans qui a facilement compris et joué le jeu. Ce qui n’aurait peut-être pas été le cas avec la version 2005.
Verdict
Ce Caylus vise un public plus familial. Il vise ces gens qui veulent tâter du jeu expert mais qui ne savent pas, ou n’osent pas encore. Aussi, je le qualifierai d’expert familial (ou de familial pré-expert / ou d’expert post familial). Un très bon accessit pour débuter dans les Eurotrashs.
Un jeu plus court : c’est un mal ? Pas nécessairement. Ce 1303 sortira ainsi peut être plus souvent. Là encore les familles y trouveront leur compte. Qui aujourd’hui peut enchainer plusieurs parties de 2 à 3 heures (avec en plus des piles de la honte qui prennent la poussière dans les salons).
Le système des faveurs avec ses personnages est moins exigeant mais bien plus fun et du coup s’intègre à la perfection dans la nouvelle philosophie du jeu. Et vous allez vous les battre ces persos je vous le promets. C’est vraiment un gros, gros plus.
Est conservé le zéro hasard. Heureusement c’est le cœur spirituel du jeu. On aime cette sensation de maîtrise totale.
Donc une très belle réussite qui s’adresse peu au public du jeu initial. Parfait pour débuter dans l’univers expert. Interactif, stratégique sans se faire mal, d’une durée correcte, de bonnes idées rajoutées. Le jeu colle à son époque, une époque où tout doit être rapide, épuré et sans prise de tête. Tout est plus facile comme par exemple la construction des bâtiments de prestige. Simplifié mais pas simpliste.
Les space cowboys réussissent leur entreprise de modernisation et sortent Caylus de sa niche réservée à un petit panel d’experts. Les Spaces cowboys, en plus de moderniser, ils vulgarisent et c’est très bien. Très bien pour Caylus, très bien pour le monde ludique dans son ensemble.
Nous avons désormais deux Caylus: un très expert Eurothrash au possible et un Caylus des familles. Bravo !
Perso j’ai fait mon choix : j’ai les deux !
La famille VirVir, elle en pense quoi ?
Une seule partie jouée. S’il ne détrône pas l’original, il est fluide et interactif et va certainement permettre de « se faire un Caylus » entre casuals qui n’auraient jamais passé le cap…. Dommage pour l’absence de piste de score, mais on a joué à points visibles, c’était une bonne idée. À retenter à l’occasion….
Maintenant l’avis d’Angélique
Même s il ne détrône pas l’original, il a sa place dans notre Ludo dans une version plus abordable. J’ai aimé l’inversion du chemin vers le château qui me semble plus « logique » … On chemine vers le château de Caylus en construction. Les personnages et leurs pouvoirs à gagner en faveur ajoutent un vrai plus au jeu qui d’ailleurs sans ça serait moins attractif et moins contraignant ! En effet, il n’y a pas de pénalités au fait de ne pas participer aux livraisons au château 🤔 ceci étant dans la version 1303, c’est la source de points principale. Le fait de jouer en points visibles permet de cibler les actions et les joueurs à contrer ! Un succès casual pour moi et visuellement il est moins froid que son aïeul 😉
Bon résumé, merci pour la comparaison, qui me décide à rester avec le grand-frère.
A noter : on dit « patte graphique » et pas « pâte graphique » comme on le voit de plus en plus sur les internets.
Vous avez entièrement raison en ce qui concerne la patte et la pâte. Une coquille qui nous za aichapait !!! Cependant l’idée d’une pâte graphique serait une invention bien utile pour les gens comme moi qui n’ont aucun talent en dessin.