Cavern Tavern & Rise to Nobility : Bienvenue dans les Cinq Royaumes !

Une fois n’est pas coutume, je vais aujourd’hui vous parler de deux jeux sortis grâce au financement participatif sur Kickstarter (mais rassurez-vous, ma ludothèque ne contient pas que des KS 😉 ). Ces deux titres sont publiés pas Final Frontier Games, un éditeur Macédonien (ça ne s’invente pas), qui a commencé son aventure internationale en Mai 2016 avec le lancement de Cavern Tavern. Mais encore une fois j’étais en retard pour la campagne Kickstarter à l’époque, et ai attendu Mai 2017 pour trouver le titre sur Okkazeo, pile au moment où l’éditeur se lançait dans une nouvelle campagne participative pour leur prochain jeu, Rise to Nobility. Les deux jeux ont été développés par les mêmes personnes, se déroulent dans le même univers et ont été illustrés par le même artiste talentueux qu’on ne présente plus : Mihajlo Dimitrievski alias The Mico (à qui on doit notamment les illustrations de la série de la Mer du Nord de Shem Philips). Face à l’engouement général entourant la campagne KS, je soutiens le projet (je suis un être faible), tout en récupérant ma copie de Cavern Tavern. Néanmoins, et ce malgré une campagne rondement menée, Rise to Nobility accuse un léger retard et n’arrive dans nos vertes contrées que durant ce mois de Février 2018, contre une date de livraison initialement estimée à Décembre 2017 (mais bon, dans le monde des Kickstarters, ce genre de désagrément mineur est monnaie courante, et un si petit retard est presque anecdotique).

Les deux copies en mains, on ne peut que se réjouir de la qualité du travail de The Mico, qui nous plonge dans l’univers des Cinq Royaumes, où Elfes, Nains et Gnomes s’affrontent depuis des temps immémoriaux. Mais cette guerre à couteaux tirés n’a jamais réussi à franchir la porte de la Taverne secrète de Nasty (méchant, déplaisant en anglais) le nain, qui, cachée au plus profond des collines de Fortefalaise, observe une trêve précaire entre les peuples. Après tout, la bière est plus importante que la guerre ! C’est au sein de cette taverne à la clientèle éclectique qu’une paix instable fût trouvée, il y a de cela cinq années, quand la Reine Tabita Orestes décida d’ériger une nouvelle capitale : la Citée d’Ivoire. Cette ville nouvelle est pour la Reine l’occasion d’entériner la paix entre les peuples, et d’inviter des représentants de chaque espèce à la rejoindre au sein de son Conseil de Pierre.

Voici le contexte dans lequel se déroulent les deux titres de Final Frontier Games. Dans Cavern Tavern vous allez endosser le rôle d’un employé de Nasty travaillant au sein de le Tavern afin de servir des clients de toutes race, alors que dans Rise to Nobility (se déroulant cinq ans plus tard), vous allez devenir le représentant d’un des peuples vivant dans la Citée d’Ivoire, afin de la faire prospérer et devenir le nouveau Greffier de la Citée.

 

Cavern Tavern

Un jeu de Ivana & Vojkan Krstevski, Toni Toshevski, et Maja Matovska

Edité par Final Frontier Games

Illustré par The Mico

De 2 à 6 joueurs

25 minutes par joueurs

Je vais donc commencer par vous parler de Cavern Tavern, le premier jeu de Final Frontier Games édité à l’international. Quand on a la boîte en main, ce qui attire l’œil de prime abord, c’est l’excellent travail d’illustration de The Mico, qui donne une bonne identité graphique au titre. Pour peu que vous aimiez ce genre d’illustrations, tirant légèrement vers le caricatural, vous serez rapidement plongés dans les Cinq Royaumes, et son univers médiéval-fantastique un peu crasseux et humoristique. J’émettrais peut-être un petit bémol sur le design du plateau principal, qui reste un peu sombre et n’est pas à la hauteur du reste des illustrations du jeu ; mais présente néanmoins l’avantage d’être très lisible. Le contenu de la boîte est dans la moyenne de ce qu’on pourrait attendre de ce genre de jeu, avec des plateaux (principal et individuels) de bonne qualité, et même une mini extension (que je qualifierais de module) incluse ! A noter que la version normale du jeu possède des dés classiques de différentes couleurs pour chaque joueur alors que la version Kickstarter présente quelques améliorations, comme des dés personnalisés assez jolis je dois dire.

 

Plateau principal

 

Tour de jeu

Dans Cavern Tavern, chaque joueur va endosser le rôle d’un employé de la taverne secrète de Nasty. Vous allez d’ailleurs prendre au tout début du jeu une carte personnage qui vous donnera accès à une compétence spéciale, que vous allez pouvoir déclencher précisément deux fois durant le jeu. Votre but, en tant que serveur, sera donc de servir le plus de clients de l’établissement, en honorant leurs diverses commandes. Pour se faire, vous allez devoir vous rendre dans le Cellier, afin de récupérer des ingrédients, dans la Cuisine, pour gagner différents bonus ainsi que de la réputation, ou bien encore effectuer des tâches Ménagères, là encore pour gagner des points de réputation (Nasty aime son établissement propre) et des ingrédients.

Chaque joueur a à sa disposition quatre dés, qu’il va lancer au début de chaque round. Ces dés vont servir « d’ouvriers » : durant votre tour, vous allez prendre un ou plusieurs dés afin de les placer sur un emplacement du plateau et effectuer l’action qui y est décrite. Une fois que chaque joueur aura placé tout ses dés, le round se termine, et on passe au suivant, en commençant par lancer à nouveau ses dés. Durant son tour, chaque joueur devra effectuer deux actions obligatoires, et pourra conduire plusieurs actions optionnelles :

  • Prendre une commande: Cette action est obligatoire si c’est votre premier tour dans le round et que vous n’avez pas de commande en cours (elle peut par la suite être effectuée indifféremment durant les autres tours du round si vous avez déjà honoré votre commande). Pour se faire, vous allez placer votre meeple (et non pas un de vos dés) dans le Hall de la taverne et récupérer une commande disponible sur une des tables. Chaque commande mentionne les différents ingrédients qu’il vous faut réunir pour la réaliser, ainsi que le peuple que vous servez et les différents points que vous allez pouvoir gagner si vous honorez rapidement la commande.

 

Hall de la taverne où les commandes sont à récupérer

 

C’est sur ce dernier point que Cavern Tavern se veut innovant. En effet, les rounds de jeu sont suivis grâce à une horloge dont vous avancez l’aiguille au début de chaque round. Lorsque vous prenez une commande, vous mettez un marqueur de votre couleur sur l’heure du round, pointée par l’aiguille. De cette manière, vous savez quand vous avez pris la commande dans le Hall. Lorsque vous allez réaliser la commande, c’est-à-dire vous défausser de tous les ingrédients nécessaires pour l’honorer, vous allez regarder où ce situe votre marqueur sur l’horloge, et allez gagner des points en fonction du temps qu’ont eu à attendre les clients avant de recevoir leurs boissons. Bien sûr, plus vous attendez et plus les points que vous pouvez gagner en réalisant une commande seront faibles, et si vous attendez trop, les clients pourront même partir de la taverne, ce qui se traduit par une perte de point de réputation : vous n’avez pas été un serveur efficace et Nasty va salement vous réprimander !

 

Horloge : le joueur rouge a une commande non honorée en cours depuis 1 tour, le jaune, depuis 2 tours

 

  • Placer un ou plusieurs dés: Cette action est obligatoire, et lorsque vous ne pourrez plus l’effectuer, vous ne pourrez plus jouer durant le round en cours. Placer un ou plusieurs dés sur le plateau principal va vous permettre de récolter des ingrédients, et d’évoluer sur différentes pistes spécifiques : la piste des Tâches Ménagère et la piste de la Cuisine. Plus vous avancez sur ces pistes, et plus vous aurez de points en fin de partie. Afin d’utiliser un emplacement du plateau principal, vous allez devoir y placer un ou plusieurs dés afin de vérifier exactement la condition qui y est marquée. Ainsi, si un emplacement demande une valeur totale de dés de 17, vous allez devoir y placer des dés dont la valeur cumulée est égale à 17. Naturellement, plus la valeur d’un emplacement est élevée, et plus l’action associée sera intéressante. Ainsi, les ingrédients courants seront disponibles dans le Cellier pour des valeurs de dés assez faibles, alors que récupérer un ingrédient ainsi que plusieurs bonus en un seul coup demandera une valeur élevée.
  • Plusieurs actions optionnelles sont aussi disponibles durant votre tour. Vous pouvez par exemple utiliser un objet, activer votre pouvoir personnel, ou bien récupérer une commande si vous n’en avez plus en cours.

 

Plateau individuel contenant les ingrédients et les commandes honorées

 

Le système de jeu se veut donc assez classique et facile à comprendre. On est en présence d’un titre dont le but est de réaliser des commandes rapidement en collectant des ingrédients via nos dés « ouvriers » tout en optimisant notre jeu pour gagner le plus de points de victoire. Sur ce dernier point, l’optimisation se fait grâce à l’utilisation des différents emplacements, certains permettant aussi d’embêter les autres joueurs (on peut faire en sorte qu’ils piochent une carte Nasty, qui peut avoir la forme d’une commande obligatoire qui les empêche de réaliser toute autre commande tant qu’elle n’est pas honorée, un peu à la façon des Mandatory Quests dans Lords of Waterdeep). Afin de rendre mes explications le plus clair possible, j’ai volontairement omis une des pistes présente sur les plateaux individuels : la piste de mécontentement de Nasty. En effet, à chaque fois que vous allez commencer le tour avec une commande en retard, vous allez descendre sur cette piste, ce qui vous fera perdre des points en fin de partie.

Un petit avis

Avant toute chose, je tiens à signaler que je n’ai joué à Cavern Tavern qu’à trois joueurs. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’essayer d’autres configurations, et vu que le titre est jouable jusqu’à six joueurs, je pense que les sensations de jeux sont bien différentes en fonction du nombre d’adversaires. Mon avis est donc uniquement basé sur cette expérience là … et je dois dire que j’ai été légèrement déçu. Cette impression vient principalement de l’utilisation du système de l’horloge. En soit ce système est très bien pensé, mais à trois joueurs, nous avons tout le temps été capable de réaliser nos commandes durant le tour où nous les avons prises. De ce fait, le système du « temps » n’a pas réellement montré son potentiel. Le fait est qu’à trois joueurs, on se bloque rarement, et on va très rapidement trouver un moyen de récolter les ingrédients nécessaires à notre commande. Et j’émettrai ici une seconde critique : afin de récupérer rapidement les ingrédients, il vaut mieux utiliser les emplacements du Cellier, qui permettent de récolter les ingrédients à moindre coût mais sans aucun bonus. On utilise donc rarement les emplacements spécifiques de la Cuisine ou du tableau des Tâches Ménagère. Et c’est bien dommage. Il faut néanmoins admettre qu’en fonction des commandes disponibles, il est tout à fait possible de volontairement attendre avant de les réaliser afin d’effectuer des actions annexes, pour optimiser ses points en évoluant sur les différentes pistes. Mais encore une fois, à trois joueurs, ce n’est pas forcément la chose la plus directe et naturelle à faire. Le jeu reste cependant très plaisant et bien réalisé, et les règles sont rapidement et facilement assimilées. Malgré ces quelques critiques, il reste très agréable.

Les moins

  • Peu de gène à 3 joueurs
  • Le système de l’horloge parfois sous-exploité
  • Il faut volontairement embêter ses adversaires (ça ne plait pas à tout le monde)
  • La course aux commandes empêche d’explorer d’autres stratégies (en configuration à peu de joueurs)

Les plus

  • Illustrations de The Mico
  • Univers original et développé
  • Grande variété d’actions possibles
  • Règles faciles à apprendre et mécanique bien huilée
  • Il faut volontairement embêter ses adversaires (ça plait à certain)
  • Différentes sources de points et de malus pour différentes stratégies en fonction du nombre de joueurs
  • Un module inclus qui permet d’accéder à une chambre secrète dans la taverne
  • Une carte personnage distribuée en début de partie ainsi qu’un objectif secret (qui porte sur vos commandes réalisées : le peuple servi, les ingrédients utilisés, …) pour une bonne rejouabilité

Rise to Nobility

Un jeu de Ivana & Vojkan Krstevski, Toni Toshevski, et Maja Matovska

Edité par Final Frontier Games et localisé par Pixie Games

Illustré par The Mico

25 minutes par joueurs (la blague !)

Le second jeu de la série est donc le tout récent Rise to Nobility. On retrouve la même équipe aux commandes du titre, avec toujours monsieur The Mico aux illustrations. Et que dire, si ce n’est que le travail de l’artiste est ici encore plus vibrant, plus immersif, et plus complet que dans Cavern Tavern. J’apprécie énormément son travail en temps normal, mais il faut avouer qu’il s’est surpassé : le plateau principal est clair, lisible et chichement illustré ; les plateaux individuels sont plus sobres mais tout aussi engageants ; et les diverses illustrations des cartes colons, personnages ou bâtiments sont un régal pour les yeux. La version Kickstarter que je possède regorge aussi de matériel de qualité, comme des dés personnalisés du plus bel effet, des pions ressources détaillés (qui sont remplacés par des cubes dans la version classique), ou encore différents modules pour agrémenter le jeu de base. En somme, l’édition du jeu est impeccable, et bien au-dessus de Cavern Tavern en termes de qualité (et de quantité).

 

Aperçu de divers éléments dont le plateau principal

 

Tour de jeu

Dans Rise to Nobility, chaque joueur incarne le propriétaire d’un lopin de terre de la Citée d’Ivoire, ville fraîchement établie par la reine Tabita Orestes. Votre but sera de faire prospérer la ville, en accueillant de nouveaux colons de toutes races sur votre propriété, en participant à l’effort des différentes guildes d’artisans du territoire, ou bien encore en répondant aux demandes du Conseil de Pierre, afin d’augmenter votre réputation auprès des notables de la citée et ainsi devenir le nouveau greffier de la ville.

Il s’agit là encore d’un jeu de placement de dés « ouvriers », où le but sera principalement de récolter des ressources afin de satisfaire les demandes des colons se pressants aux portes de la ville. Une fois ces colons accueillis et logés sur vos terres, ils se mettront à votre service, et vous pourrez les envoyer trimer dans les diverses guildes d’artisans en tant qu’apprentis, puis comme maitre de guilde une fois que vous leur aurez construit un atelier. Tout cela bien sur afin d’obtenir plus de ressource, de points de victoires, et d’or, afin de satisfaire de nouveaux colons ou les demandes du Conseil de Pierre, et ainsi de suite …

Comme dans Cavern Tavern, chaque joueur va lancer en même temps les cinq dés à sa disposition au début du round, puis va les disposer sur un emplacement du plateau afin d’y effectuer l’action décrite. Là encore, il va falloir respecter les conditions indiquées sur chaque emplacement pour pouvoir y placer son dé ouvrier. Durant son tour, chaque joueur va pouvoir effectuer deux actions principales :

  • Placer un dé: en respectant la restriction imprimée sur l’emplacement souhaité, vous allez pouvoir placer votre dé afin d’effectuer une action. Vous allez ainsi pouvoir prendre une nouvelle carte colon (afin de l’accueillir par la suite), acheter un logement pour vos colons, vendre des marchandises, répondre à une demande du Conseil de Pierre, et enfin et surtout, récolter des ressources. Sur ce point, Rise to Nobility dispose d’un système original, dans lequel vous placez votre dé sur une guilde pour pouvoir acheter des ressources, puis, en fonction de l’emplacement utilisé, vous allez pouvoir activer les ateliers existants et/ou poser un de vos colons pour le transformer en apprentis. Les apprentis vous permettent de gagner de l’argent à chaque tour, et pourront être transformés en maîtres de guilde moyennant la construction d’un atelier (là aussi pour avoir de nouveaux bonus).

 

Dé placé dans une guilde contenant un atelier

 

Comme Cavern Tavern et son système d’horloge, Rise to Nobility introduit un petit quelque chose de nouveau : la réputation. Ce système est, à mon humble avis, la meilleure originalité du jeu. En effet, votre réputation représente la valeur totale des dés que vous allez pouvoir placer durant le round. Ainsi, si vous avez une réputation de 17, vous allez pouvoir placer vos dés 6, 6, 4, et 1 mais devrez mettre de côté votre cinquième dé de valeur 3. Simple et efficace, ce système ajoute une nouvelle sensation à la pose de dés.

  • Satisfaire une carte colon: si vous avez toutes les ressources nécessaires pour accueillir un colon préalablement pioché, vous pouvez vous en défausser afin de l’accueillir. Pour pouvoir le loger vous aurez néanmoins dû au préalable lui construire une maison sur votre plateau personnel. Chaque carte colon satisfaite vous donne des points de victoire, des points de noblesse (nécessaire pour répondre aux demandes du Conseil de Pierre), et des meeples colons (ceux-là même à envoyer dans les guildes).

Le système de jeu se veut donc aussi simple à expliquer que Cavern Tavern, mais regorge de possibilités, en témoigne le nombre conséquent de lieux accessibles sur le plateau principal. Diverses idées nouvelles rendent le jeu intéressant, comme le principe de réputation, ou les colons à envoyer travailler dans les guildes. Ce mélange de pose de dés ouvriers et de placement de meeples classiques est assez déroutant au début, mais se montre assez rafraichissant et efficace.

 

Plateau individuel avec ressources et logement pour colon 

 

Un petit avis

Alors alors, … tout d’abord, je tiens à préciser que je n’ai joué à Rise to Nobility qu’à trois joueurs, ou en configuration solo. Mon avis est donc « restreint » à ces configurations-là. Aussi, je me sens obligé de préciser que j’ai mis du temps à écrire cet avis, pas mal de temps même. Non pas à cause de ma prose envolée ( 😛 ), mais bien parce que Rise to Nobility a été pour moi une déception. Une énorme déception même, à la hauteur de l’attente que cristallisait le titre depuis son financement Kickstarter.

Le jeu fourmille pourtant de bonnes idées, de bons concepts plus ou moins originaux, qui sur le papier fonctionnent. Oui mais voilà, un peu comme un élève moyen à qui on rend une copie marquée d’un « peut mieux faire », Rise to Nobility peine, à mon sens, à concrétiser. Toutes les bonnes choses sur lesquelles aurait pu s’appuyer le titre sont éclipsées par deux écueils majeurs qui gâchent l’expérience ludique.

Le premier reproche que l’on peut faire au jeu, de façon assez directe et évidente, est sa longueur. Sur la boîte, on nous indique un temps de jeu de 25 minutes par joueurs… Autant vous le dire de suite, c’est de la publicité mensongère ! A trois joueurs, la partie dure aisément entre deux et trois heures. Vous seriez tentés de me dire que ce n’est pas le premier titre à sous-estimer sa durée, et vous auriez raison. Néanmoins, et dans ce cas précis, la longueur et la lenteur du jeu est complètement artificielle et injustifiée. Je m’explique : quand vous jouez à un très gros jeu de gestion ou un gros wargame, vous vous attendez à de longues parties, afin de mettre en place des stratégies au long terme et prendre des décisions cornéliennes. Or là, ce n’est pas le cas ; Rise to Nobility n’est pas un Anachrony ni un The Gallerist ! La longueur du jeu est purement artificielle (on fait 10 tours de jeu alors que 6 suffiraient) et donne lieu à des parties assez fastidieuses. On se retrouve en effet à toujours faire les mêmes actions sans avoir de réelles stratégies alternatives autre que d’essayer d’accommoder le plus de colons, car c’est ça qui rapporte le plus de points (vous pouvez oublier le Conseil de Pierre). On a donc une sensation de lenteur (et je dirais même d’ennui dans mon cas) qui plombe un titre qui pourtant a un bon potentiel.

 

le Conseil de Pierre malheureusement peu utile

 

Ce point précis me semble être le témoin du second reproche que je peux faire au titre : sa cible initiale. En jouant à Rise to Nobility je suis en effet incapable de vous dire si je peux le conseiller à des experts amateurs de bons jeux de stratégie/gestion, ou à des initiés amateurs d’ouvriers et de dés. C’est un peu comme si le titre avait été initialement pensé pour une cible « initié » (ou initié + en fonction de ce que vous mettez derrière le terme 😉 ), mais que les auteurs avaient voulu attirer les gros experts en complexifiant inutilement le gameplay. On se retrouve donc avec un jeu dont les règles sont assez simples, les concepts assez accessibles, mais dont le tout se retrouve complètement alambiqué sans pour autant avoir la profondeur attendue pour un jeu se réclamant expert. Un des témoins de la complexité artificielle de Rise to Nobility est bien sûr le nombre de tours inutilement élevé par partie (voir plus haut), mais l’impossibilité de développer des stratégies alternatives ou de mitiger les choix de nos adversaires sont tout autant de facteurs qui rendent le jeu trop fastidieux.

Vous l’aurez compris, j’en attendais peut-être un peu trop de Rise to Nobility. En soit, je suis persuadé qu’il va plaire à certaines personnes et éventuellement trouver son public. Mais les deux reproches majeurs énoncés plus haut m’ont quelque peu gâché l’expérience.

Néanmoins, et pour finir sur une note plus positive, je dois admettre que j’ai été agréablement surpris par le mode solo du jeu ! il est simple, rapide (une fois les règles maîtrisées), et propose un système d’objectifs à réaliser (inscrits sur une carte tirée aléatoirement) qui propose autre chose qu’une simple course aux points. Il vous faudra par exemple finir la partie avec un certain nombre de colons dans votre domaine tout en satisfaisant un certain nombre de demandes du Conseil de Pierre, ou alors atteindre un certain score tout en satisfaisant une autre condition. Il permet ainsi d’établir des stratégies sur toute la durée de la partie, afin d’atteindre les conditions de victoires établies en début de jeu. Une très bonne surprise, d’autant plus paradoxale que dans ce cas-là, une sensation de « course » contre le jeu se fait ressentir, au fur et à mesure que les tours avancent, et on peut avoir l’impression de ne pas avoir assez de temps (ironie par rapport au jeu à plusieurs) !

Les moins

  • Beaucoup trop long
  • Fausse profondeur pour un titre fastidieux
  • Outre l’objectif initial d’accueillir des colons, aucune stratégie annexe viable
  • A le *** entre deux chaises (si je puis me permettre) : pas assez profond pour les experts, inutilement alambiqué pour les initiés
  • Usine à gaz inutile

Les plus

  • Travail de The Mico encore plus vibrant
  • Composants de qualité
  • Règles abordables
  • Mode solo des plus agréables
  • Des concepts originaux comme la Réputation
  • De nombreux modules pour modifier le jeu (cartes évènements, extension, objectifs privés, …)

NB : Une règle alternative officielle a récemment été publiée par Final Frontier Games afin de rendre le jeu plus court. Il semble donc que les auteurs et l’éditeur de Rise to Nobility ont entendu les nombreuses doléances du public sur la lourdeur inutile du titre. Cette variante modifie la mise en place initiale et réduit le nombre de tours de jeu (on passe de 10 à 7 tours). Pas sûr que le jeu en soit vraiment moins fastidieux, mais l’effort mérite d’être noté ! En ce qui me concerne, je n’ai pas testé cette variante, mais il est fort peu probable qu’elle changera mon avis initial : si un titre a besoin d’une extension ou d’une adaptation pour marcher « normalement », c’est qu’il y a un petit soucis à la conception !

2 Comments

  1. Articles très complet et intéressant. J‘ai encore Rise of Nobility dans l‘armoire – pas de temps et les critiques sur la longueur m‘ont refroidi.
    Je vais voir ce que donne l’amélioration des règles.
    Néanmoins faut que je teste le mode solo 🙂 ça a l‘air pas trop mal.

  2. Très bon résumé qui fait ressortir tout ce que j’ai pensé de ce jeu. Fort déçu aussi j’ai été. J’adore les jeux de placement d’ouvriers avec ou sans dés (Lords of Waterdeep, l’âge de pierre, Marco polo, GAH, Anachrony, Rajas of the Ganges, etc….) et j’aime la montée en puissance, la sensation de se construire un moteur de point. Mais là sur ma première partie je n’ai fait que subir avec la sensation de faire toujours la même chose sans plaisir…. effectivement le mode solo m’a plus enthousiasmé. Revendu facilement dans la foulée….

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